School-Day

Thérapie clavier

Lundi 12 décembre 2022 à 23:07

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12 Décembre

J'avais presque oublié ma résolution vieille de plus ou moins 24h. J'aimerais bien tenir au moins un mois. On verra ce que le quotidien en dit. Prévenu vendredi dernier à 16h30 par mon service ressource humaine j'étais attendu ce lundi matin pour une formation « Travail en Hauteur et port du Harnais » à une petite dizaine de minutes en voiture de chez moi. Mon réveil sonne à 6h30, le temps de m'interroger quelques secondes sur l'utilité d'aller à la réunion de chantier du lundi, je me rendors considérant ma présence non indispensable.
Je me tourne et re re tourne entre mes multiples oreillers pour en savourer la chaleur et la douceur avant de me résoudre à me préparer.
Ne sachant pas si la majorité du temps de la formation sera en extérieur ou en salle, j'enfile mes vêtements spécials hiver fraichement acheter le week-end dernier. Des chaussettes de chasseur, sweatshirt et legging en laine sous le bleu de travail.
C'est le moment de tester le confort au mouvement. Un café, un bol de céréales, quelques SMS, gratter le parebrise, compatir à ma batterie qui tousse chaque matin, je croise les doigts pour ne pas avoir de problème cet hiver.

Je trouve le centre de formation dans la zone industrielle voisine, en me garant je remarque les yeux des fumeurs tournés vers mon véhicule. Mes joues en rougis, on me regards, que des hommes, ils ont vu que j’étais une fille ? Il me juge ? Bon sang arrêtez de regarder vers moi. Tu paniques, calme-toi, tout le monde s’en fou ok ? J’espère que la journée va bien se dérouler.

Aussitôt sortie de mon véhicule, un homme en blouson haute visibilité orange m’interpelle :
« -Travail en hauteur ?
-Oui chef !
-Ton formateur est devant à la machine à café, celui avec un bonnet
-Ok ça marche, merci »

Je m’approche de l’homme à bonnet et aussitôt :
« Travail en hauteur ?
-Oui chef
-Tiens un jeton pour un café
-Oh ! Super merci ! »

Je ne me fais pas prier et me prends un café court à la machine.
Un jeune homme aux lunettes en cul de bouteille et cheveux frisés me regarde fixement en sautillant sur place.
« -Je t'ai passé devant ?
-Non non enfin non c'est bon je peux attendre…
-Sûr ? Je me sers ?
-Oui oui allez s'y, enfin vas-y… »

Il me vole un sourire de sympathie, mon café servi je me pose contre le mur, le même garçon prends son café et s'arrête relativement loin pour que je puisse l' ignorer mais, suffisamment proche pour qu'il entende si je commence à lui parler.
Ces personnes m'attendrissent, elles sont si simples à comprendre. Je décide de répondre à son envie de parler :
« -Ça va ?
-Oui ! Ça va et toi ? J'ai super froid…
-Haha oui ça se voit.
-J'étais ici la semaine dernière déjà, pour habilitation électrique et toi tu vas faire quoi ici ? Moi je suis en travail en hauteur
-Moi aussi
-Toi aussi ? Moi je travaille pou..
Le formateur à bonnet crie pour se faire entendre jusqu'au coin fumeur ce qui me couvre la suite de la phrase.

«Travail en hauteur vous me suivez on va à l'étage ! »
Je ramasse mon sac à dos et suis le groupe qui s'est formé derrière le formateur, en pénétrant dans la salle je vise le premier rang, mais une femme prend la place au même moment. Oh il y a une femme, trop bien. Je me place derrière elle, mes yeux se perdent sur ses cheveux, ils sont si épais, surtout grisonnant, je n'ai pas bien vu son visage, elle est si âgée que ça ?
Lors du tour des présentations ma question est très vite élucidée. 86, ce qui lui fait 36 ans.
Je reste la benjamine jusqu'à ce qu'arrive le tour du jeune garçon de la machine a café, 2001. C'est fou, les gens nés en 2000 sont déjà en âge de travailler, même les 2004. Je comprends mieux la réaction de certain de mes collègues quand je suis arrivée dans le monde professionnel.
La formation commence par un monologue sur la prévention des risques. Je ne parle pas trop en début de séance, mais le silence lourd qui suivent les questions ouvertes du formateur me frustre. Je craque et je commence à faire l'idiote :
« -Quels est le danger du travail en hauteur ?
-La mort ! »
Mes interventions font rire le groupe, mais je n'arrive pas à percevoir si mon engouement plait au formateur ou s'il préférait s'écouter parler. Quoi qu'il en soit la matinée passe et je rentre manger chez moi au vu du temps alloué pour la pause déjeuner. Chez moi, je réchauffe ma gamelle et mange écroulée sur le canapé le téléphone à la main.

L'après-midi, nous sommes dehors à escalader un échafaudage. Le but, monter 3 étages en gardant toujours une longue accrochée.
L'exercice est long étant donné qu'il ne se pratique que deux par deux.
Je vois mes camarades d'une journée trembler de froid. Je m'étonne à ne pas souffrir autant qu'eux. Première raison est que j'ai eu le temps de m'acclimater en un mois, deuxième raison, j'ai fait le meilleur des investissements dans mes achats 100% laines.
Merci, chaussettes à 9 euros la paire, après réflexion peut être que j'irai en racheter.
Le formateur baisse la tête sur son téléphone… Et ne regarde que partiellement les personnes qui passent. Cela m'attriste, je ne comprends pas le but de la manœuvre…
Et surtout, je constate que tout le monde n'est pas habitué à ce type de structure ou d'équipement. Les observer me projette sur moi-même des années en arrière. Je me surprends à penser : « J'ai appris des choses quand même »
Une fois tout le monde passé, nous retournons en salle, je sens un pas enthousiasme chez mes camarades à l'idée de rentrer au chaud.
Nous finissons par un questionnaire validant ou non la formation. A la fin du temps imparti le formateur corrige devant nous et repose les questions aux personnes, qui, je devine n'ont pas les 7 points sur 10 minimum pour valider la journée.
Je suis impressionnée. Est-ce du au prix de la formation ou est-ce la compassion de monsieur au bonnet ? Jusqu'à la fin j'aurai eu du mal à le cerné.

 Je reprends mon véhicule, pour rentrer quand j'aperçois sur la chaussée le couvreur du groupe. Je le klaxonne en baissant ma fenêtre :
« -Tu as besoin d'être déposé ?
-Saint-Nazaire ?
-Monte ! »
Heureux comme tout il monte avec moi.On en profite pour raconter nos vies, il est marocain, il est arrivé il y a 3 ans en France et oh surprise ! Il a d'abord été en Alsace.
«-Strasbourg ! Mon dieu que c'est beau !
-Ah tu es de là-bas ?
-Non du tout, mais j'y suis restée un an et … j'ai tellement aimé, j'ai hésité à y retourner
-Pourquoi tu n'y retournes pas maintenant ?
-C'est une bonne question »

Avant de le déposer à la gare je récupère son numéro, toujours bon d'avoir le numéro d'un couvreur dans son téléphone.
Arrivée chez moi j'appelle mon chef :
« -Allo Benji ? Je ne te dérange pas ?
-Non non j'allais quitter le chantier
-A yes, tout s'est bien passé ?
-Haha tu images que rien ne s'est passé comme prévu ! Je suis allé aider une équipe à Ouest France, donc finalement on va bien à Primark tout les deux demain, on coupe un truc vite fait et après on rejoint une autre équipe à Totale. Ça marche ?
-Yes aucun souci, je te rejoins chez toi demain matin du coup ?
-Ouais rendez-vous sur l'air de Covoituage de Savenay demain matin, 7h15, ça marche ?
-Ouais ouais aucun problème !
-Yeeees, bon, bonne soirée alors à demain ! »

Il avait l'air de bonne humeur, j'espère qu'il sera pareil demain et toute la semaine.
Je vérifie l'adresse et le temps de trajet pour aller à Savenay, 30 min de route, départ conseillé 6h40, je vais partir de chez moi à 6h30… Ça sera mieux. Je ne regrette pas d'être restée généreusement au lit ce matin.
Je vais devoir partir de chez moi tout les jours à 6h30 et rentrer pour j'espère avant 19h. Je regarde rapidement si dormir chez Claire me faciliterai la vie : 20min. Je réfléchi.
C'est 10min de moins et une bonne raison de la voir, je lui écris pour lui demander si elle serait d'accord de m'ouvrir son lit.
Avant même sa réponse je prépare un sac : slip, pantalon de secours, chaussette, t-shirt… Une ou deux nuits ça serait sympa, me dis-je en contemplant mes caleçons de boulot. Je devrais faire un gratin… Pour lui ramener … Il y a aussi une bouteille de bière à elle dans le frigo, je ne devrais pas l'oublier, on est quel jour ? Lundi ?
Mardi nuit ? Non mercredi nuit ça serait bien, une nuit sur deux c'est bien ? C'est quand déjà piscine pour elle ?
Avant de me perdre dans mes pensées je m'empresse d'écrire ces mots et préparer ma gamelle, puis me laver, aller au Derby, me relaver, manger, dormir, demain, travail...



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